PIANOS ESTHER

La plus ancienne maison de pianos de Wallonie

 


Bösendorfer

Manufacture de pianos fondée à Vienne en 1828





La symphonie bösendorferienne trouve son origine en l'an 1795 avec la naissance du petit Ignaz Bösendorfer à Vienne. Vienne est alors la capitale de l'Empire austro-hongrois sous la couronne des Habsbourg. Ignaz Bösendorfer est d'abord fabricant de claviers et fait son apprentissage chez Brodmann. Bientôt, alors que l'Autriche se restructure après les guerres napoléoniennes, la manufacture de pianos Bösendorfer est fondée (1828).



Ignaz Bösendorfer (1795-1859)
Extrait de Hundert Jahre Bösendorfer — 1828-1928.
Collection Carl Esther.






Piano table Bösendorfer portant la mention Ignaz Bösendorfer élève de Brodmann sur sa barre d'adresse, 1828.
Extrait de Hundert Jahre Bösendorfer — 1828-1928.
Collection Carl Esther.




Caricature d'Ignaz Bösendorfer par Théo Zasche.
Extrait de Hundert Jahre Bösendorfer — 1828-1928.
Collection Carl Esther.


Sous l'aile bienveillante de la monarchie austro-hongroise, la fabrique de pianos Bösendorfer jouit d'une situation centrale dans l'empire. L'entreprise est dirigée brillamment par son fondateur jusqu'en 1859, puis par le fils de celui-ci, Ludwig. Techniciens confirmés, remarquables musiciens (surtout Ludwig), les Bösendorfer sont aussi d'excellents commerciaux doués pour les affaires, dans l'empire "AEIOU" de l'Autriche d'avant la guerre de 1914-18 qui mettra fin à ce monde étrange si bien évoqué dans L'homme sans qualité de Robert Musil.




Ludwig Bösendorfer (1835-1909)
Extrait de Hundert Jahre Bösendorfer — 1828-1928.
Collection Carl Esther.




Le piano Bösendorfer, dessiné par l'architecte Theophil Edvard von Hansen (Copenhague, 1813 - Vienne, 1891), fut exposé à l'Exposition universelle de Paris en 1867.
Elisabeth d'Autriche (Sissi) l'offrit à l'impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III Bonaparte.



La guerre de 1914-18 est catastrophique pour l'entreprise des pianos Bösendorfer. La production est réduite à une centaine de pianos ! La salle de concert est détruite. Ludwig Bösendorfer, qui a cédé l'entreprise à Carl Hutterstrasser en 1909, meurt en 1919. Une nouvelle ère va s'ouvrir. Il s'ensuit dans la petite Autriche une relative renaissance. Au cours des années 1920, la production des pianos Bösendorfer aidée par l'inflation remontera pour tendre vers les 400 instruments en 1928. Mais le bruit des canons gronde bientôt à nouveau à Vienne... En 1938, l'Autriche, annexée au IIIème Reich d'Adolf Hitler, disparait de la carte du monde. La production s'affaiblit et au cours des années brunes il ne sort plus de l'usine Bösendorfer qu'une centaine de pianos par an.





 


Catalogue Bösendorfer - Wien, s.d. [1907] : vue de la page de couverture, de deux pianos à queue et d'un cadre métallique.
On notera combien le cadre de l'époque préfigure les cadres utilisés aujourd'hui.
Collection Carl Esther.



Entrée de l'entreprise Bösendorfer avec à l'arrière-plan la Karlskirche.
Extrait de Hundert Jahre Bösendorfer — 1828-1928.
Collection Carl Esther.


   
Modèles de pianos droit et à queue Bösendorfer.
Extrait du catalogue Bösendorfer, s.d. [1928].
Collection Carl Esther.



Piano à queue de concert Bösendorfer.
Extrait de Hundert Jahre Bösendorfer — 1828-1928.
Collection Carl Esther.


En avril 1945, la deuxième République d'Autriche est proclamée. Ce n'est que 10 ans plus tard que les troupes alliées quittent le pays. Bien plus tard, un catalogue de Bösendorfer (1980) qualifiera ce départ de fin d'occupation... Dans les années 1950, Bösendorfer est exsangue. La production de pianos se stabilisera progressivement à moins d'une centaine d'unités au cours des années 1960.






 

Page de couverture du catalogue Bösendorfer - Wien, s. d. [1957] et divers modèles de pianos Bösendorfer des années 50.
Collection Carl Esther.


Sur ce, au tournant des années 1960, la fin de la saga Bösendorfer semble se rapprocher. Mais tel le phénix, Bösendorfer va renaître de ses cendres : le président de la société américaine Kimball International Inc. (Indiana, U.S.A.), A. F. Habig entre en scène. Ses origines sont viennoises. Kimball est une société américaine dont la manufacture d'orgues et de pianos est la plus grande des U.S.A. Elle cherche à s'adjoindre un savoir-faire technique et une renommée dans la facture du piano pour améliorer et valoriser sa marque sur le marché intérieur des U.S.A. Et aussi pour concurrencer Steinway et les autres B à l'international : Bechstein à Berlin, Blüthner à Leipzig et à Londres... La mise en vente de Bösendorfer tombe à merveille en 1966 : c'est la prise de contrôle de la société anonyme L. Bösendorfer par la Jasper Corporation (Indiana, U.S.A.) qui contrôle Kimball. Se raconte aussi pour la petite histoire que A. F. Habig épousa une viennoise et lui offrit un beau cadeau de mariage en renflouant un fleuron culturel de la Vienne éternelle. Ainsi Bösendorfer reçut des millions de dollars pour redorer son blason. Elle rayonnera à nouveau comme une marque de piano renommée sur le plan mondial, alors qu'elle n'était pas loin de l'oubli. Tout est bon pour alimenter le moulin d'une renommée renouvelée : catalogues avec histoire romancée de la marque, mise en évidence de photos et gravures anciennes, parrainage de concerts, recueil de lettres de remerciements et d'éloges, autographes de Brahms, Wagner, Liszt, Rubinstein, Cortot, Menuhin... Un catalogue américain de Kimball-Bösendorfer des années 1970 pousse la manœuvre à son comble : on y lit que "Kimball International produit d'excellents pianos puisqu'il possède Bösendorfer. Et Bösendorfer est le meilleur piano du monde parce que le plus cher"...





On voit ici un piano à queue Kimball comme copie conforme d'un Bösendorfer... Le marketing américain n'a pas de limite !
Extrait du catalogue Kimball - A Heritage of Greatness , s. d. [1979].
Collection Carl Esther.



Piano à queue Bösendorfer, modèle 275, sur l'estrade de la Goldener Saal du Musikverein de Vienne.
Extrait du catalogue Bösendorfer - Wien, s. d. [1978].
Collection Carl Esther.


Au tournant du IIIème millénaire, la société américaine Kimball se concentre sur ses bénéfices et laisse tomber Bösendorfer qui n'est plus rentable et n'entre plus dans son cœur de métier. Mise en situation de quasi faillite, la société Bösendorfer évite la fermeture en étant supportée par des organismes financiers contrôlés par l'Etat autrichien. Bösendorfer est perçu en Autriche comme un bijou de famille ou un symbole de l'art et du savoir-faire viennois qu'il n'est pas pensable de laisser choir. Mais les pertes s'accumulent. Les sociétés financières qui en ont le contrôle décident de la vendre. Tout semble cependant aller dans le bon sens : un consortium autrichien s'apprête à entrer en scène pour sauver l'honneur national... Coup de théâtre ! Yamaha met sur la table pour le rachat une somme qu'il n'est pas possible de concurrencer... Les autrichiens sont terrassés et Bösendorfer passe en 2010 sous le contrôle de Yamaha. Lors d'une dernière Frankfurter Musik Messe, le stand Yamaha exposait en son sein un espace Bösendorfer d'un goût pour le moins douteux. L'histoire de la firme et la tradition viennoise en prenaient un sérieux coup.





Frankfurter Musik Messe 2010.
Photo collection Carl Esther.



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